3 questions à Nicolas Mottis, Président du conseil scientifique de FAIR
Publiée le 04.09.2024
1. Comment avez-vous connu la finance solidaire et que vous évoque-t-elle ?
Je travaille sur la finance responsable depuis presque 20 ans et la finance solidaire a toujours été dans le paysage. À de nombreuses reprises, j’ai eu l’occasion de regarder ce qu’elle faisait, que ce soit par exemple sur les questions de label avec le label Finansol, qui est probablement l’un des plus robustes, ou bien encore tous les débats sur les notions d’impact.
La finance solidaire m’évoque beaucoup de choses avec un grand nombre d’initiatives et de développements originaux. Pour être plus spécifique, je citerais notamment trois aspects : un niveau d’engagement plus fort de ses acteurs, se traduisant par une capacité à arbitrer entre performance économique et performances ESG ; un fort accent sur les questions sociales ; une recherche poussée d’impact réel sur le terrain avec de nombreux projets ayant un fort ancrage territorial. Trois dimensions que l’on retrouve souvent dans la finance responsable en général, mais avec des niveaux d’intensité beaucoup plus faibles.
Autre point que j’aimerais évoquer, la dimension encore très militante de beaucoup d’acteurs de la finance solidaire que je peux croiser.
2. Quels rapprochements et différences peut-on faire avec l'ISR ?
Précisément le côté militant que je viens d’évoquer : il était encore très présent il y a une quinzaine d’année avec des pionniers qui tentaient de réellement faire changer les pratiques de la finance classique. Il s’est estompé ces dernières années avec l’explosion du domaine, l’arrivée de nombreux acteurs intéressés, mais pas plus convaincus que cela… ce que l’on appelle la « mainstreamisation de l’ISR » dans la littérature, une sorte de dilution qui a accompagné sa très forte croissance.
Sur les différences entre ISR et Finance solidaire, outre la taille du domaine, beaucoup plus restreinte dans le second cas, j’en citerais notamment deux :
La finance solidaire intègre des outils et des classes d’actifs très variés que l’on ne retrouve pas dans l’ISR. C’est à la fois plus petit en termes de montants ou d’actifs sous gestion et beaucoup plus varié,
Le cadre réglementaire est différent, plus lié à l’ESS qu’à l’AMF ou aux marchés financiers en général. Le poids de la réglementation, notamment nationale, est beaucoup plus fort dans la finance solidaire.
Ceci-dit, il y a aussi de vrais points communs : les mêmes défis pour montrer la valeur ajoutée de l’approche, faire évoluer le cadre réglementaire, augmenter les montants sous gestion, prouver l’impact des projets engagés à des parties prenantes très variées, etc.
3. Comment voyez-vous le paysage de la finance responsable/solidaire dans quelques années ?
Le niveau d’exigence de ce paysage va considérablement monter. La réalité des engagements pris depuis des années sur de nombreux projets va pouvoir être testée, le niveau de compétence générale augmente et avec lui l’exigence de clarté et de preuve, la montée des accusations de greenwashing (souvent fondées) va pousser à une plus grande professionnalisation des projets et de leur gouvernance, le niveau de sélectivité devrait donc augmenter, etc.
Mais comme les besoins à couvrir sont énormes et que les contraintes budgétaires de la puissance publique en France en particulier tarissent cette source, il faudra aller chercher dans le privé les ressources nécessaires aux projets.
Un niveau d’attente croissant, un niveau d’expertise croissant, mais des moyens de plus en plus contraints et sollicités… il y a quelques vrais enjeux pour concevoir et améliorer un cadre qui favorisera l’émergence de solutions solides de finance solidaire.
Le CS pourrait utilement contribuer à ces évolutions, notamment en capitalisant sur les retours d’expériences uniques que Fair peut générer.