L’épargne salariale : comment flécher plus l'épargne vers le solidaire ?
Publiée le 23.02.2024
Le 7 novembre 2023, à l’occasion de la signature de son partenariat avec Mirova, FAIR donnait rendez-vous à ses adhérents pour un petit-déjeuner débat sur les liens entre épargne salariale, réglementation et financement de l’économie sociale et solidaire.
Clémence Vaugelade, directrice adjointe de FAIR, a échangé avec Karen Charbonnel, directrice du Développement Corporate chez Natixis Interepargne et Hervé Guez, directeur des gestions actions, taux et solidaire à Mirova.
Natixis Interépargne est une société de gestion qui met en place des dispositifs d’épargne salariale. Dans le respect des réglementations actuelles, chacun de ces dispositifs intègre des fonds solidaires : Natixis Interépargne distribue ainsi 17 FCPE solidaires. Filiale dédiée à l’investissement responsable de Natixis IM, Mirova est une société de gestion et acteur de référence sur le financement à impact. Elle gère, entre autres, le fonds "Insertion Emplois Dynamique", premier fonds d'investissement solidaire en France et qui a passé la barre du milliard d’euros d’encours sous gestion en juillet 2021.
L’épargne salariale en chiffres
L’Association Française de la gestion financière (AFG) a publié mi-octobre les résultats de son enquête semestrielle relative à l’épargne salariale et l’épargne retraite collective d’entreprise à fin juin 2023 (consultable sur le site de l’AFG) :
- 180 milliards d’euros d’encours sur les plans d’épargne salariale et plans d’épargne retraite d’entreprise (+13,2% vs juin 2022)
- Des versements en forte hausse à 14,4 milliards d’euros (+1,2 milliard d’euros vs juin 2022)
- Une collecte nette qui s’établit à 5,2 milliards d’euros (+11,6% vs juin 2022)
- 16,9 milliards d’euros d’encours sur les fonds solidaires dans les plans d’épargne salariale/retraite (+10,45% vs juin 2022)
Des niveaux d'encours historiques
Le premier constat est simple : l’encours des fonds solidaire n’a fait que croitre depuis 2010. Plusieurs étapes réglementaires ont accompagné, voire impulsé, une telle croissance.
La réglementation de l'épargne salariale solidaire
- La loi Fabius de 2001 encourage l’investissement solidaire dans les PPESV (Plan Partenarial d’Epargne Salariale Volontaire).
- En 2003, la loi Fillon supprime ce PPESV et crée les Plan d'épargne pour la retraite collectif (PERCO) et Plan d'épargne retraite collectif interentreprises (PERCOI). L’obligation de présenter un fonds solidaire dans tous les PERCO est maintenue.
- Etape déterminante : la Loi de Modernisation de l’Economie (LME) de 2008 oblige toutes les entreprises de plus de 50 salariés à présenter au moins un fonds solidaire dans tous les dispositifs d’épargne salariale. L’effet de cette loi est aujourd’hui encore stimulé par d’autres dispositions réglementaires récentes.
- La loi Pacte, en 2019, est venu confirmer ces intentions car elle prévoit la constitution du nouveau Plan Epargne Retraite (PER), ainsi que la baisse du forfait social pour les TPE-PME pour l’ouverture d’un dispositif d’épargne entreprise. Cette deuxième mesure devrait inciter les plus petites entreprises, pour qui ouvrir un PEE n’est pas obligatoire, à le proposer à ses salariés.
- Enfin, la loi d’Accélération et de Simplification de l’Action Publique (Loi ASAP) de 2020 simplifie encore les démarches d’ouverture de Plan épargne entreprise (PEE) car elle autorise aux employeurs la mise en place de plans d’épargne en l’absence de représentation sociale.
Cette croissance est d’autant plus remarquable si elle est mise en parallèle avec l’évolution de l’épargne salariale dans son ensemble : les FCPE ont connu trois années de baisse en 2011, 2018 et 2022 à cause de l’évolution négative des marchés financiers.
En effet, dans l’épargne salariale, il existe des fonds 100 % actions de l’entreprise, ou 100% actions diversifiées, et lorsque les marchés actions chutent, alors les encours de ces fonds diminuent. Dans le cas de l’épargne salariale solidaire, les fonds solidaires ne sont, eux, pas tous adossés à des fonds 100% actions, et leurs encours peuvent donc augmenter. Chez Natixis Interépargne, par exemple, un seul fonds est 100 % actions, et les 16 autres fonds sont diversifiés.
En revanche, on observe qu’en cas de baisse des encours de l’épargne salariale dans son ensemble, les encours solidaires augmentent, mais à un rythme moins soutenu que quand les encours globaux de l’épargne salariale montent.
Entre 2010 et 2023, l’épargne salariale est passée de 88,6 à 179,56 milliards d’euros. En parallèle, l’encours des FCPE solidaires est passé de 1,46 à 16,89 milliards d’euros. La part du solidaire dans l’épargne salariale a donc mécaniquement augmentée, passant de 1,65 % à 9,41 %.
L’épargne salariale solidaire augmente en partie grâce à l’augmentation de l’épargne salariale, mais également car elle sait résister aux turbulences financières que peut rencontrer l’épargne salariale.
Répondre aux attentes des épargnants
Dans le cadre de l’épargne salariale, les sociétés de gestion distribuent des produits d’épargne salariale aux entreprises qui décident de mettre en place un PEE et choisissent les fonds qu’elles mettent en avant, puis aux épargnants qui choisissent là où ils orientent les fonds. Ce sont donc deux clients qu’il faut convaincre.
Chaque année, Natixis IE interroge les entreprises et les épargnants sur l’Investissement socialement responsable (ISR) pour définir leurs attentes, identifier les modifications de comportement, et ainsi adapter les services et offres à leurs besoins. Une enquête a été diffusée en mai 2023 auprès de 40 000 épargnants, 50 % détenant des avoirs ISR et 50 % n’en détenant aucun. Plus de 1000 réponses ont été obtenues.
76% des répondants accordent une place très importante ou importante aux impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance dans leurs décisions de placement, mais seulement 1/3 savent en consiste l’ISR. Il apparait donc clairement un besoin de pédagogie pour s’adresser aux épargnants, et de repréciser clairement de quoi on parle. Si les particuliers ne savent pas dans quoi ils investissent, ils n’auront pas d’appétence pour le sujet, d’autant plus que les rendements peuvent parfois être bas.
Parmi les informations qu’ils aimeraient avoir sur les fonds : répartition des investissements par secteur d’activités, secteurs exclus, empreinte carbone estimée du fonds, répartition par zone géographique, ou encore les labels. Les épargnants semblent donc en demande d’une certaine précision dans l’information : la connaissance de la constitution des fonds permettra de donner du sens à leur épargne, d’aiguiser leur curiosité, et in fine demandera aux sociétés de gestion d’enrichir leurs reportings. C’est un réel cercle vertueux qui peut se mettre en place.
La foncière Terre de Liens a fait l'acquisition du terrain de la ferme la Durette afin de pérenniser ce projet de ferme expérimentale agroécologique et multi-partenariale à Avignon. Terre de Liens est, entre autres, financé par le FCPE Impact ISR Mixte solidaire (géré par Mirova et distribué par Natixis Interépargne), produit ouvert aux salariés d'une structure où existe un dispositif d'épargne salariale (PEE, PEI, PERCOL, PERCOLI). © Terre de Liens / Sandrine Mulas